🎥 VIDÉO : Paulette Michel, 104 ans, nouvelle doyenne d’Issy
Point d’Appui : Bonjour Paulette, d’abord, comment vous portez-vous, à 104 ans ?
Paulette Michel : Très bien, je ne me plains pas de la vie. J’entends bien, je parle normalement, je vais et je viens, je participe aux activités qu’on nous propose chaque jour, ça m’intéresse toujours. Je récite aussi des poèmes, je chante, ou plutôt je chantonne (elle se met à chanter), j’écoute de la musique, toutes les musiques sont belles et différentes. Mais je ne vois plus assez pour distinguer les personnes ou pour lire, et c’est ce qui me manque le plus. Se mettre devant sa bibliothèque et se dire « que vais-je lire aujourd’hui ? », c’était mon plus grand bonheur. Mais ici, je suis bien.
P. d’A. : Que pouvez-vous nous raconter de votre vie à Issy-les-Moulineaux ?
P. M. : Je suis né à Paris en 1919 (le 20 juin, ndlr). Ma mère était couturière et mon père tapissier décorateur. J’ai d’abord habité à Montmartre, au pied du Sacré Cœur (elle se remet à chanter de vieilles chansons). Après des études commerciales, je suis devenue responsable du personnel de l’entreprise Thomson CSF, qui était rue Guynemer, à Issy. J’y suis resté jusqu’en 1979, jusqu’à l’âge de la retraite. Je suis donc venue habiter à Issy, rue Foucher-Lepeltier, avec ma mère et même ma grand-mère. Je rentrais chez moi après le travail. On ne sortait pas beaucoup à l’époque, pas comme maintenant, la vie n’était pas la même. Pour le déjeuner, on se préparait notre repas et on mangeait à l’entreprise. Et puis Issy-les-Moulineaux n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui. Quand je sortais j’allais surtout à Paris, sur les Grands Boulevards.
P. d’A. : Pas de mari, pas d’enfants ?
P. M. : Non ! La Seconde Guerre mondiale a brisé ma vie ! Je suis née en 1919. En 1939, j’avais 20 ans et un fiancé, prête à me marier. Mais au début de la Guerre, il est venu me voir pour me dire « viens, on doit fuir en zone libre ! » Je ne pouvais pas le suivre, je devais rester avec ma mère et ma grand-mère m’occuper de ma famille. Il est parti. J’ai eu le cœur brisé ! Ça a été le moment le plus difficile de ma vie.
P. d’A. : Vous avez 104 ans, quels sont vos secrets de longévité ?
P. M. : Je n’en ai pas vraiment. Pourtant, pendant la Guerre, j’ai souffert de ne pas manger à ma faim. Ma vie n’était pas rose. Ensuite, j’ai vécu une vie normale, sans excès. Ma longévité est sans doute dû à la nature, à la génétique de ma famille. C’est donc plutôt un secret de famille ça (rire). A mon âge, on vit la vie différemment, sans calendrier. De toute façon, je ne peux plus le lire. Et puis j’attache de moins en moins d’importance au passé. Il faut profiter du jour présent. Mais tant que je suis bien, ça ne me gêne pas de vieillir encore.
P. d’A. : Êtes-vous encore intéressée par ce qui se passe à l’extérieur de l’EHPAD Lasserre ?
P. M. : Oui, bien sûr, j’en prends connaissance par la télévision, la radio, les revues de presse que David (David Jacob, le responsable de la Vie sociale de l’EHPAD Lasserre, ndlr) nous fait. Et puis j’ai de la visite. Il y a toujours des gens pour vous raconter des choses. Mais que la vie a bien changé comparée à celle que j’ai connue !
P. d’A. : Pour conclure, auriez-vous un message à passer aux jeunes générations ?
P. M. : Il faut vivre avec ce qu’il y a devant vous, pas derrière. Et surtout vivez en paix ! La guerre, c’est horrible, ça brise la vie.