Omar da Fonseca : « Ma vie a toujours été un jeu »
Point d’Appui : Depuis combien de temps vivez-vous à Issy-les-Moulineaux ?
Omar Da Fonseca : Je me suis installé en 2008, après mon expérience de recruteur au club de Saint-Etienne, car j’avais retrouvé un poste de consultant à Canal+. Je connaissais déjà la ville car j’avais travaillé pour la chaîne à la fin des années 90 quand j’ai débuté ma carrière de consultant. Je m’y étais bien senti. Cette ville me convient parfaitement par son aspect vie de quartier, de « village », avec beaucoup d’enfants, de crèches, des parcs, des piscines, de l’animation, des restaurants, de la convivialité, etc. C’était un cadre idéal pour faire grandir mes deux enfants. Et puis la ville est dotée de superbes infrastructures sportives, des gymnases, des terrains de foot, la Cité des Sports... J’y ai trouvé de quoi poursuivre facilement mon rêve de gosse : jouer au foot, m’amuser ! J’en ai donc profité pour organiser chaque semaine des rencontres avec mes copains journalistes et consultants. D’abord en intérieur au Palais des Sports, sur l’Île Saint-Germain aussi, et maintenant au Stade Gabriel Voisin et à la Cité des Sports.
P. d’A. : Issy est aussi un lieu stratégique pour vous…
O. d. F. : Oui, professionnellement c’est l’idéal ! Issy est à côté d’Orly et je voyage beaucoup pour les commentaires de match ; c’est limitrophe de Paris pour les rendez-vous professionnels, à proximité du Parc des Princes et proche de toutes les chaînes de télé et surtout de BeIN SPORTS où je travaille depuis sa création en 2012. D’ailleurs, je n’arrête pas de faire la promotion de la ville auprès de mes confrères ou d’autres anciens sportifs que je côtoie. Le fait d’organiser à Issy chaque semaine mes rencontres de foot avec un vivier d’une centaine de participants ou d’emmener mes amis déjeuner dans les restaurants de la ville contribuent à la faire découvrir.
P. d’A. : Vous êtes arrivé en France à l’âge de 23 ans. D’abord à Tours, puis vous avez été champion de France avec le PSG en 1986, en 1988 avec Monaco, avant d’aller à Toulouse et de terminer votre carrière en 1993 au Paris Football Club. Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Des regrets ?
O. d. F. : Comme j’ai coutume de dire, j’ai été un très bon joueur moyen. Avec le recul, on peut toujours se dire qu’on aurait pu faire mieux, se préparer autrement. Mais je n’ai pas vécu le même football qu’aujourd’hui. Moi, je viens d’une campagne située à 500 kilomètres de Buenos Aires, avec les moutons, les poulets, etc. Toute ma famille y habite encore. Le seul rêve de ma vie était de jouer au foot. Juste jouer. Aujourd’hui les jeunes footballeurs sont déjà dans une industrie, entourés de tout un staff, coachs en tous genres, roulent en voitures de luxe, ont quinze paires de chaussures et gagnent des sommes folles. J’en côtoie qui se plaignent s’ils ne voyagent pas en business class ! S’ils savaient combien de milliers de kilomètres j’ai fait en bus, en train, en voiture, à dormir n’importe où, avec une seule paire de chaussures, pour aller faire des essais dans des clubs, jouer des matchs. Ce rêve de gosse, je l’ai entretenu toute ma carrière.
P. d’A. : Ça n’a pas dû être facile de quitter votre pays, seul.
O. d. F. : Imaginez, un jeune argentin de la pampa, ne parlant pas français, qui débarque seul en 1982 à la gare de St Pierre-des-Corps ! J’ai souffert, mais je vivais mon rêve. Ensuite, le PSG est venu me chercher. Là, j’étais à Paris, la ville des Lumières, la culture, les marchés aux Puces, la qualité de vie… Puis à Monaco, pareil, je voyais le Grand Prix de F1 depuis ma fenêtre ! Tout ça peut te sortir un peu de tes ambitions de progresser. Mais moi je ne vivais que pour l’amour du jeu. Je suis même parti de Monaco après deux saisons alors que j’avais un contrat très confortable de 4 ans, pour aller à Toulouse, juste parce que l’on m’avait assuré que je jouerais plus. En fait, je crois que ma vie a toujours été un jeu. J’adore jouer, aux dames, aux dominos, au tennis, au foot, etc.
P. d’A. : Ça fera bientôt trente ans que vous êtes consultant foot. C’était la reconversion que vous imaginiez ?
O. d. F. : Pas du tout, quand j’étais footballeur je ne pensais pas à l’après. Mais à la fin de ma carrière, Charles Biétry m’a appelé pour commenter des matchs à la demande. J’hésitais, je ne savais pas faire. Il m’a conseillé. J’ai enchaîné les commentaires et les émissions dans différentes chaînes. Puis c’est encore lui qui est venu me chercher en 2011, à la création de BeIN SPORTS. Je lui dois ma carrière.
P. d’A. : Vous êtes aussi devenu un consultant vedette grâce à votre personnalité atypique. Sans filtre, bavard, passionné, avec des expressions venues dont ne sait où et devenues cultes et un accent qui sent le football… Un personnage vraiment naturel ?
O. d. F. : Oui, je suis Argentin n’oubliez pas ! Chez nous, le foot, c’est plus qu’une passion, c’est du fanatisme, mais c’est devenu trop agressif, trop démesuré. Je ne revendique pas ce fanatisme, en revanche je reconnais notre génétique foot pas comme les autres. Petit, on n’avait pas internet et peu de matchs à la télé. A la maison j’écoutais le foot à la radio. C’était exceptionnel ! Pour leurs auditeurs, les commentateurs imageaient tout ce que l’on ne voyait pas, jusqu’au gars qui refaisait ses lacets ! C’étaient des phénomènes ! Et ça donnait des expressions fantastiques. J’ai été nourri par ces commentaires et j’ai reproduit ça à l’écran. Il n’y a rien de préparé. BeIN SPORTS m’a laissé être ce que je suis et je les en remercie. L’accent, bien sûr, a dû faire aussi la différence. Un peu comme Georges Eddy qui commentait la NBA sur Canal+.
P. d’A. : Vous avez été agent de joueurs, recruteur, vous avez récemment tenté, sans succès, de sauver de la disparition le club du FC Tours en y investissant votre argent personnel, vous êtes ambassadeur de “Nolt”, une marque de vêtements de sport. A 66 ans, vous avez d’autres projets ?
O. d. F. : D’abord, je vais sérieusement me poser la question de savoir si j’arrête mon métier de consultant après la Coupe du monde 2026. A 66 ans je rentre dans un tunnel où les embrouilles de santé commencent à s’éveiller et j’ai déjà perdu pas mal d’amis. Avant de « partir », j’ai un projet dans lequel j’aimerais m’investir : celui de faire venir les enfants, non licenciés dans un club, à pratiquer une activité physique, un sport, les sortir des écrans, en organisant des compétitions et tournois autogérés à l’aide d’une application, dans trois disciplines : football, basket 3x3 et padel. Je crois vraiment aux vertus du sport et je ne conçois pas une vie sans, surtout au tout début, dès l’âge de 5-6 ans.