Mis à jour le 1 mars 2024

Jeux Paralympiques Paris 2024 : le dernier tour de piste de Trésor Gauthier Makunda

Quatre olympiades, cinq fois médaillé. A 40 ans, Trésor Gauthier Makunda, pensionnaire de l’Avia Club Athlétisme d’Issy, s’apprête à vivre ses derniers Jeux Paralympiques, son dernier tour de piste, chez lui, à Paris. Avec, pour clore son rêve : la médaille d’or autour du cou.

Point d’Appui : Depuis combien de temps évoluez-vous à l’AVIA Club Athlétisme ? 

Trésor Gauthier Makunda : Ça fait une bonne dizaine d’années. Je suis arrivé dans ce club car à l’époque c’était l’un des premiers clubs français à monter une section « handicap ». L’ambition du club correspondait aux miennes, ça m’a paru une évidence d’y adhérer. Depuis, le club est devenu l’un des plus gros clubs paralympiques de France. 

P.A : D’où est née l’envie de devenir sport de haut niveau ? 

T-G.M. : Mon rêve est né après avoir vu un documentaire sur Carl Lewis aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984. Je voulais devenir comme lui, battre des records, faire lever des foules, donner du plaisir aux gens et, surtout gagner des médailles olympiques. Tout grand projet part d’un rêve, moi ça été Carl Lewis. 

P.A  : Vous êtes né aveugle ? 

T-G.M. : Non. Je suis né au Congo, en 1983, à Kinshasa. On m’a découvert une déficience visuelle à l’âge de 3 ans. Mon père a essayé de me faire soigner, mais il n’a pas réussi. Nous sommes venus en France et on s’est rendu compte que ce que j’avais était irréversible. 

P.A : Quand on vit avec un handicap est-il vital d’avoir un rêve comme le vôtre ?

T-G.M. : D’une manière générale, et pour tout le monde, handicapé ou valide, je pense que rêver ouvre des portes, fait naître des perspectives, permet de pouvoir suivre un chemin. C’est ce que je dis tous les jours à mes enfants. Arrivera-t-on au bout du chemin ? On ne peut y répondre, mais au moins on s’y engage. 

P.A : Le handisport est-il considéré à sa juste valeur aujourd’hui ? 

T-G.M. : Il l’est de plus en plus en tout cas. Mais pas à sa juste valeur. Les sportifs paralympiques français, qui obtiennent de formidables résultats, mériteraient plus de reconnaissance et de visibilité. Médiatique d’abord, parce que nous ne sommes pas assez exposés hors période de Jeux Paralympiques. Quant à la reconnaissance financière, que l’on soit valide ou non, il est difficile pour un sportif de haut niveau lambda, hors footballeur, hors stars, d’en vivre à 100%. Moi j’ai la chance de travailler à la SNCF, avec un contrat d’insertion professionnelle. Mais ça me permet juste de nourrir ma famille. Ce sont les sponsors et les partenaires qui me permettent d’être performant car leur accompagnement financier nous permet de mettre en place des stages, de payer aussi les deux guides qui m’accompagnent sur les compétitions. Tout ça coute très cher. 

P.A  : Vous jouez aussi un rôle important dans la société… 

T-G.M. : Oui, nous sommes une lumière sociétale. Nos performances mettent en lumière la cause du handicap. Nous sommes indirectement des ambassadeurs de la réussite malgré un handicap. Ce rôle devait être reconnu dans notre métier de sportif handicapé. Ce que nous véhiculons est très important. On s’identifie à nous. A ce titre-là, nous devrions être plus soutenus et accompagnés. 

P.A  : Que représentent les Jeux Paralympiques pour vous ? 

T-G.M. : C’est banal, mais c’est le graal de tout athlète. On mange, on dort, en s’entraîne, on ne vit que pour ça. C’est extraordinaire  ! Ça me fait vivre pendant quatre ans et j’ai déjà participé à 4 olympiades ! Celles-là seront encore plus extraordinaires car elles se déroulent chez moi. Ce seront mes derniers Jeux Paralympiques, car j’ai déjà 40 ans. Ce sera donc magique, encore plus fort que tout, plus motivant. 

P.A  : Quelles sont vos ambitions ? 

T-G.M. : J’ai déjà remporté cinq médailles paralympiques (une d’argent, quatre de bronze), il ne m’en manque qu’une, la médaille d’or. Donc je vise l’or ! Et, objectivement, je sais que je suis capable de la décrocher à Paris. On sera 16 à la vouloir, mais je fais partie des quatre favoris. J’aime cette pression ! Terminer en apothéose, devant ma famille, mon public, avec l’or autour du cou, vous imaginez ? Je veux briller ! 

P.A  : Quel est le sentiment qui vous empare quand vous repensez à votre carrière ? 

T-G.M. : Je suis fier. J’ai réalisé ce que je voulais réaliser. Il n’est pas question de revanche sur la vie. Si je n’avais pas été handicap, aurai-je vécu tout ça ? Je savoure ce que Dieu m’a donné, la chance de vivre dans un pays où on peut faire des études ou du sport de haut niveau malgré un handicap. Et je vois – enfin, manière de dire (rires) - la fierté dans les yeux de mes enfants, je la ressens. Je suis un exemple pour eux.