Mis à jour le 25 novembre 2025

“Il déserte” : les coulisses d’une bande dessinée

Le cycle des Entretiens d’Issy consacré aux pouvoirs de l’imagination se poursuit le vendredi 5 décembre avec Antoine de Caunes et le dessinateur isséen Xavier Coste, qui signent "Il déserte", une bande dessinée inspirée du séjour solitaire de Georges de Caunes en 1962.

Point d’Appui : Comment avez-vous construit ensemble la narration visuelle et littéraire de Il déserte ? 
Antoine de Caunes : J’avais dans un tiroir, depuis longtemps, le journal de bord de mon père tenu sur cette île. Avec Xavier, nous sommes partis de ce matériau brut que nous avons traduit en bande dessinée, c’est-à-dire que nous avons cherché à respecter l’exactitude des lieux, des impressions, mais aussi à laisser place aux silences, à ce que mon père ne disait pas. Et ce n’est pas une BD au sens traditionnel, ce n’est pas un livre composé que de petites cases qui ne servent qu’à raconter l’action, mais un roman graphique, quelque chose de graphique, où le dessin prend beaucoup de place et essaie de rendre l’intérieur. Donc littérairement je posais la voix, la mémoire, le regard du fils, et visuellement Xavier posait l’immensité, l’isolement, l’île, l’attente. Je voulais que l’histoire devienne à la fois intime et ouverte.  

Xavier Coste : Ce livre, c’était un vrai ping-pong entre nous. On a travaillé avec spontanéité, sans trop savoir où cela nous mènerait au départ. Le caractère insolite de l'aventure était passionnant, et j'avais hâte de dessiner cette histoire, d'essayer de comprendre avec Antoine quelles avaient été les motivations de son père. Nous avons passé des heures à plonger dans les notes de Georges de Caunes et les articles de l’époque, avançant pas à pas dans la construction du récit, essayant de lui donner un ton. 

 P.d’A : Qu’est-ce que ce projet vous a appris sur la mémoire intime ?  

A.d.C : J’ai appris que la mémoire intime est pleine de zones d’ombre, qu’on évite, qu’on met de côté. Comme je l’ai évoqué, je gardais ce journal sans l’ouvrir parce que j’avais peur de ce que j’y trouverais. En le faisant revivre avec cette bande dessinée, j’ai découvert que mon père pensait à moi même quand j’avais l’impression qu’il m’oubliait. J’ai compris aussi que raconter une mémoire familiale, ce n’est pas renvoyer un portrait parfait, mais faire dialoguer l’admiration et la colère, la blessure et la tendresse. Je crois que ce livre m’a montré que la mémoire intime peut être un pont, pas un fardeau.  

X.C : Ce qui m’a le plus touché dans ce projet, ça a été le fait de révéler au public les mots écrits il y a 52 ans par Georges, seul sur son île, dans son carnet intime. Transformer ce matériau brut en récit n’a pas été simple ! Il a fallu réorganiser, condenser, parfois légèrement romancer, pour pouvoir donner sens et clarté à ces notes intimes du quotidien. Elles étaient souvent redondantes, mais si sincères. Il fallait retranscrire son récit en essayant de garder intact sa vérité. 

P.d’A : Antoine de Caunes, vous avez déjà publié plusieurs ouvrages personnels. Pourquoi avoir choisi cette fois-ci une écriture à quatre mains ?  

A.d.C : L'éditeur Dargaud est venu vers moi et m'a proposé de faire une bande dessinée. Je n'en avais jamais fait. On s'est tout de suite dit que ce projet devait être un projet extrêmement personnel, une histoire que moi seul pouvais raconter. Le choix de faire ce travail avec Xavier était logique : je n’étais pas dessinateur et j’avais ce journal de mon père, cette mémoire à mettre en forme. Il fallait un regard graphique qui sache ne pas trahir, mais explorer l’émotion, l’isolement, le paysage et Xavier apportait cela. Et puis, écrire à quatre mains, c’est accepter de se laisser déplacer : mon propos, ses images, notre dialogue ont permis d’ouvrir quelque chose que je ne pouvais pas porter seul. 

P.d’A : Xavier Coste, vous avez adapté plusieurs romans en bande dessinée, de Bosco à Orwell. En quoi Il déserte diffère-t-il de ces expériences ? 

X.C : De manière générale, si une idée de bande dessinée ne démarre pas d'un roman, j’aime partir d’une histoire vraie, un peu insolite. Les petits faits méconnus de l’Histoire m’inspirent beaucoup, ils déclenchent souvent chez moi des images, des envies de dessin. Cela faisait longtemps que je voulais faire un récit dans la lignée de Robinson Crusoé, mais sans trouver un angle original, j'avais l'impression que tout avait déjà été fait… Jusqu’à ce que je découvre l’aventure de Georges de Caunes ! 

Initialement prévu le jeudi 4 décembre, cet entretien se tiendra le vendredi 5 décembre à 20h en salle multimédia de l’hôtel de ville. Réservation sur sortir.issy.com.